30 septembre 2009

Beloved de Toni Morrisson

Il y a dix huit ans Sethe était esclave à la ferme du Bon Abri. Les conditions de vie y étaient plutôt « bonnes » comparé à ce qui se passait ailleurs. Mais lorsque le propriétaire M. Garner décède et est remplacé par Maître d’école, les règles changent drastiquement et les esclaves décident alors de s’enfuir.

Sethe, dans un accès de folie meurtrière égorge sa petite fille de deux ans et tente de tuer ses trois autres enfants. A sa sortie de prison, elle part s’installer au 124 Bluestone Road chez Baby Suggs, sa belle-mère.

Même si Sethe est désormais physiquement libre, elle est malheureusement toujours prisonnière de ses souvenirs qui la hantent perpétuellement. Elle a beau essayé de les oublier, de les ranger dans un coin sombre de sa mémoire, elle n’y arrive pas. Car le bébé fantôme est toujours là pour lui rappeler son geste. Au début ce ne sont que des plats qui volent jusqu’au jour où il finit par se matérialiser en cette jeune fille prénommée Beloved.


Mon avis :

Que Sethe rongée par la culpabilité et les remords ait des hallucinations, c’est tout à fait compréhensible mais que sa fille Denver et Paul D en soient victimes eux aussi, c’est, je l’avoue, très étrange et quelque peu déroutant. Elle semble en effet si réelle que même le lecteur se demande s’il ne va pas sombrer dans cette hystérie collective.

Il ne reste pas moins que l’histoire de cette femme, véritable complainte de tout un peuple opprimé par des siècles d’esclavagisme, est émouvante, déchirante. L’écriture colorée de Toni Morrison est saisissante, cinglante comme un coup de fouet sur le dos qui vous lacère, vous meurtrit dans vos chairs et vous marque de façon indélébile.

Rarement un livre ne m’aura autant remué les tripes. Plus d’une fois, j’ai ressenti comme un malaise, eu envie de pleurer, ai pleuré. Aurais-je laissé malgré moi l’esprit malfaisant de Beloved s’insinuer insidieusement au plus profond de mon être pour mieux me tourmenter, me torturer, me vampiriser ? Ou aurais-je tout simplement libéré ces chaînes mentales qui m’empêchaient d’évoluer ?

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Publiée chez 10/18 (N°2378) en 1993
Titre original : Beloved
Traduit de anglais par Hortense Chabrier et Sylviane Rué
Code ISBN : 978-2-264-03916-3

Note : ❤️❤️❤️❤️🤍

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5 commentaires:

  1. Whaou ! Très beau billet. Je l'ai pris à la bibli et ensuite reposé. Pas le bon moment mais il viendra.

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  2. Je n'ai pas accroché à cette lecture qui m'avait été pourtant vivement conseillée. Trop bizarre pour moi.

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  3. je l'ai étudié en fac, je ne l'avais pas aimé à la première lecture mais au fil des cours et des relectures je l'ai apprécié.

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  4. Ce livre n'est pas en effet d'un accès facile. J'avais commencé à le lire une première fois mais comme je n'ai pas accroché, je l'ai abandonné au bout de 100 pages. Et puis quelques temps après je me suis mise à le relire et là je l'ai lu d'une traite. Faut croire que je devais être mieux disposée, plus réceptive.

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  5. Bonjour!

    Je découvre votre blog par l'outil de sélection de Calepin.

    Ce roman m'a reconcilié avec la littérature après de longues années de disette. Je conçois que l'écriture est complexe, mais une fois qu'on est rentré dans le texte, on rentre dans un univers insoupçonné, à savoir dans l'âme d'une ancienne esclave.

    Peut-on parler d'une folie meurtrière quand elle tente de tuer ses enfants pour les empêcher de retomber dans le joug de l'esclavage? Ce qu'a subi Sethe dans la plantation, en fuyant cette dernière, met le lecteur dans une situation inconfortable où l'infanticide semble légitimer.

    Tout le problème de Beloved est l'idée qu'un système ait pu conduire des individus à de telles extrêmités. Un très grand roman...

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